
Depuis que l’homme est l’homme, il a toujours été confronté aux choix à faire. C’est sa conscience qui oriente la décision. Soumis à des pressions extérieures et intérieures, il est tenu comme en tenail entre ce qu’il voudrait et ce qu’il pourrait. S’y mesure la valeur morale, (ou éthique pour reprendre le mot plus à la mode), de ses décisions, et des actes qui s’en suivent.
Avec le progrès de la technique, de nouveaux défis se présentent à lui, et il doit y répondre sous peine de se laisser entraîner dans un immobilisme immoral. Parmi les domaines les plus sensibles se trouvent les choix dans le domaine bioéthique, ce qui touche à la vie humaine, surtout dans ces débuts et dans la fin. Chaque pays légifère selon les exigences perçues comme telles par les pouvoirs politiques.
Souvent la conscience chrétienne en est affectée, voire troublée. Le chrétien dispose d’un outil extraordinaire pour y faire face, outil auquel l’esprit humain souvent de façon détachée de la sphère divine fait appel aussi. Cet outil, c’est le discernement. Le pape François, dans l’exhortation apostolique Amoris Laetitia, donne les clefs pour savoir comment s’en servir. Accompagner, discerner, intégrer, ces quelques verbes jalonnent le cheminement, car la décision ne se présente pas comme le produit d’une option évidente dès le départ.
Sont évidentes seulement quelques présupposés comme celui sur le respect de la vie en vertu de sa dignité divinement fondée. Mais cela ne suffit pas pour en faire un choix éthique, moralement bon. Car “tu choisiras la vie ou la mort’ (Dt 30) est une règle générale qui porte sur la vie avec ou sans Dieu, qu’il faut traduire de façon concrète, surtout dans les situations ambigües que les moyens techniques modernes fournissent à chaque application des nouvelles découvertes.
Il s’agit d’un discernement évangélique qui échappe à la sidération d’un choix binaire. Car le binaire n’est pas éthique, le christianisme est trinaire. Le discernement évangélique est fondé sur le réel concret: je ne sais pas ce qui est bon pour l’autre, c’est à lui seul qui en est concerné d’en décider. C’est seulement à posteriori que l’on pourrait savoir si l’on avait raison ou pas. L’avis technique des spécialistes qui participent à l’accompagnement au discernement compte. L’accompagnement chrétien donne un éclairage sur les résonances transcendantales d’une décision à prendre.
Cela occasionne des souffrances physiques et morales dont le discernement évangélique n’épargne pas. Le poids réel de la souffrance se mesure aux poids des illusions qui à cette occasion tombent. Le progrès technique fait que la fatalité est remplacée par le choix. Là où il y avait de la soumission résignée sans pouvoir échapper au destin, on doit mettre de la conscience humaine capable de faire des choix. La grandeur humaine c’est d’affronter de tels choix à faire, l’homme en a les moyens.
Rémy Kurowski, aumônier de la CCF de Hong Kong
Pour aller plus loin, voir
-Pape François, Exhortation apostolique Amoris Laetitia, chapitre VII
-Denis Vasse, Le poids du réel, la souffrance. Le Seuil, 1983, 2008.